Julie Hasdeu an Hugo Schuchardt (02-04466)

von Julie Hasdeu

an Hugo Schuchardt

Paris

25. 12. 1886

language Französisch

Zitiervorschlag: Julie Hasdeu an Hugo Schuchardt (02-04466). Paris, 25. 12. 1886. Hrsg. von Bruno Mazzoni (2016). In: Bernhard Hurch (Hrsg.): Hugo Schuchardt Archiv. Online unter https://gams.uni-graz.at/o:hsa.letter.5121, abgerufen am 28. 03. 2024. Handle: hdl.handle.net/11471/518.10.1.5121.

Printedition: Mazzoni, Bruno (1983): Carteggio Hasdeu - Schuchardt. Neapel: Liguori Editore.


|1|

Paris, le 25 décembre 1886.

Monsieur,

Voici déjà quelque temps depuis que maman m’a remis la charge de vous écrire en réponse à votre lettre; si je n’ai pas aussitôt obéi à ses ordres, ce n’est pas que je ne prenne beaucoup de plaisir à lui servir de secrétaire — surtout en cette occasion — mais c’est que j’ai été assez gravement indisposée. Je vois d’ici votre stupéfaction: mais il ne faut pas vous figurer que ma santé soit aussi florissante à Paris que dans "la ville des Grâces aux bords de l’Amour", où pourtant vous prétendiez que le scirocco soufflait; je ne sais pas si le scirocco souffle à Paris, mais ce que je sais, c’est qu’il y fait un froid insupportable, et un temps pluvieux fort peu agréable pour les malheureuses personnes qui, comme maman et moi, sont obligées de sortir tous les jours pour aller aux Cours de la Faculté des Lettres. Tout cela cependant, je puis vous l’assurer, ne m’empêche pas d’avoir toujours mes dix-sept ans et d’être aussi gaie qu’auparavant.

Pour maman, elle est moins heureuse que moi; aussi n’a-t-elle pas dix-sept ans. Nos courses journalières à la Sorbonne la fatiguent; elle a souffert de douleurs violents au côté. Et puis, elle a sa bonne Slovène, qui, pour être la meilleure fille de la Styrie, n’en est pas plus intelligente; le récit de ses hauts faits et gestes serait digne d’être chanté par un nouvel Homère: aussi je vous en fais grâce pour le moment.

Pour éviter les digressions, je reviens à maman. Vous vous plaignez, dans votre lettre, de n’avoir pas osé nous écrire, parce que vous craignez mes critiques; — entre nous, je suis loin de prendre cette excuse pour la bonne monnaie, et je sais très-bien ce qu’elle vaut; — mais vous pourrez m’en croire, lorsque je vous dirai que maman craint beaucoup plus vos critiques que vous ne craignez les miennes. Comme vous le savez, elle n’a pas trop l’habitude du français, et c’est pour cela qu’elle n’a pas pris elle-même la plume pour vous répondre: c’est à cela aussi que je dois l’honneur de vous adresser ce griffonnage de ma main.

Mais ce qui m’exaspère, c’est que depuis que vous lui avez envoyé "Petöfi" et les récits de M. Mikszáth, ma chère mère s’est mis dans la tête de m’enseigner le Hongrois. J'ai beau lui dire que j’ai lu les meilleurs poésies de Petöfi dans la traduction française de votre ami M. Uïfalvi, et que cela suffit à mon bonheur: elle ne veut rien entendre, et prétend à toute force me faire partager son enthousiasme pour le Muse hongroise. Mais mon esprit rebelle ne s’y plie pas, et j’ai bien peur que ses efforts seront vains. Sérieusement, elle vous remercie beaucoup pour votre charmant envoi.

Comment passez-vous vos "Christmas holidays"? Plus joyeusement que nous, j’espère. Maman et moi, nous vous envoyons "our best wishes" pour la nouvelle année. Dieu fasse qu’en l’an de grâce 1887 le scirocco ne vous donne plus d’insomnies ni de fièvre!

Monsieur Leger vous envoie tous ses compliments, et maman en fait autant. Veuillez recevoir aussi une cordiale poignée de main de votre

"petite-fille spirituelle"
Julie Hasdeu

Faksimiles: Universitätsbibliothek Graz Abteilung für Sondersammlungen, Creative commons CC BY-NC https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/ (Sig. 04466)